samedi 13 mars 2010

Edvard MUNCH ou Le Cri en Couleurs


EXPOSITION Edvard MUNCH


Edvard MUNCH ou Le Cri en Couleurs

Une vie tragique qui s’exprime avec le (son) Cri. Toile célèbre (1893). Même
si cette toile manque ici, elle est omniprésente dans notre mémoire et certainement la mieux connue de ce peintre norvégien qui considérait que “Au moins quand je peins, je m’ennuie moins ».

Cette exposition, qui se concentre sur l’oeuvre tardive de l’artiste (1863-1944), moins connue, est remarquable par le choix des oeuvres de Munch, et vous permet de mieux le connaître, de sonder l’âme de ce peintre tourmenté pour qui la vie fut certes marquée d’une touche tragique ... mais dont la mélancolie ne réussit pas à voiler son talent lumineux.
Sa sensibilité exacerbé, l’angoisse existentielle l’accompagnaient et le marquèrent pendant toute sa vie, laissant leurs traces jusque dans ses peintures, sombres, assombries, cherchant désespérément la clarté dans les cavernes obscures de son être, jusque dans les abîmes, au tréfonds de son âme, exorciser le démon là, où la scène théâtrale jouée se montre tantôt tragique, tantôt jubilatoire. Munch, à la quête de l’absolu en peignant le paysage sombre de la figure humaine, si controversée, qui l’éclaire au passage mais qui peut aussi précipiter sa chute, tenta de se libérer de son emprise.
Munch préférait une palette violente, sombre, égale à lui-même, celle qui l’obséda toute sa vie, pour y transcrire une expérience personnelle douloureuse qui est visible dans la plupart de ses oeuvres. Est-il parvenu à la dompter, à l’accepter, cela reste incertain.

Edvard Munch, comme un funambule sur la corde tendue, cherchant l’équilibre dans le contraste des couleurs de sa vie...poursuivi par le “Cri” de ses hallucinations.
Quand l’imagination de Munch se développe au point de donner des corps à ses fantômes, à toucher ce qui l’effraye et à mépriser ce qui la protège, alors, “Le Cri” en est la démonstration la plus éloquente. Quel fleuve violent et magnifique sous cette couche de souffrance, quand les folles terreurs se dissipent, quand le battements précipités du coeur guident l’artiste à nouveau dans l’acte de la création, la peinture, quand la lumière sourde suit sa main de son rayon lumineux, comme un soleil qui promène ses ombres sur la toile.“Le soleil noir“, qu’évoquait déjà Julia Kristeva avec lucidité dans son traité sur la mélancolie.
Munch, en peignant “Le Cri“, a conjuré le spectre de la postérité sans le savoir. Corps et âme donnés à la peinture, rien qu’à la peinture, sans compromis.
Palette tragique qui nous laisse entrevoir une existence ébranlée et dont témoigne sa peinture, jusque dans la juxtaposition de ses couleurs, violentes, radicales, somptueuses.
Manière qui fut baptisée un jour “expressionnisme” et influença beaucoup de peintres ressentant la même nécessité de s’exprimer sur ce chemin tracé.
voir....(Lors de son exposition à Prag)
Munch, venu de l’impressionnisme, évoluera vers cet expressionnisme qui marqua fortement l’art allemand, surtout, et beaucoup d’autres artistes contemporains.

Rompant avec la représentation picturale traditionnelle, comme le firent aussi les impressionnistes de leur temps, il chargeait sa palette de tons purs, sombres, pour traduire au mieux l’émotion éprouvée et ressentie. De la même manière on peut rapprocher le travail d’Emil Nolde, Gauguin, Vincent van Gogh, Franz Marc, August Macke, Otto Mueller ou Max Pechstein, qui allaient affronter l’aventure dans un monde pictural, où tous les “excès“et toutes les audaces étaient appelés à harmoniser pour engendrer, bouleverser notre façon de voir et de découvrir la peinture...autrement.

Face à ses tableaux, nous nous interrogeons sur l’émotion éprouvée par l’artiste dans l’acte de peindre. Quelle est son implication ? Et nous constatons, invariablement, que c’est justement le vécu du peintre, dont la volonté imprime de son seaux le travail, y laissant les traces de ses angoisses, de ses doutes et de sa félicité aussi, bien sûr. Qui façonne sa création, son geste, le choix des couleurs, leurs tonalités, leurs voix, leur chant enfin, et, finalement.... réaliser des rêves, voilà la vie d’un peintre.

Nous savons que Munch exposa ses peintures aux intempéries pour altérer les matières, les vieillir prématurément. D’où, aussi, ses couleurs sourdes qui laissent néanmoins apparaître ce qu’elles furent jadis et ne trompent pas le spectateur sur leur éclat d’autrefois.
Munch, voulait-il tromper, devancer le temps ? Geste désespéré pour saisir le temps, de s’en emparer, de l’arrête d’avancer vers son destin irrévocable.
La peur des ravages qu’exerce l’aiguille en course, même sur une toile !
Munch n’avait peut-être pas la patience d’attendre...pour la rejoindre.

L’artiste prouve par sa spontanéité sans faille, sa touche juste, où se révèle la véritable valeur artistique, ce que nous nommons banalement “authentique“.
Authenticité par rapport au monde qui s’impose à l’homme, en occurrence le peintre, l’artiste, c’est à dire, créer, ce qu’il ne peut s’empêcher de créer, dictée
par sa vocation, sa vie, et seulement d’elle, en y apportant tout son vécu, certes, mais encore, le poids de la vie sur cette balance fragile qu’est l’être humain.
Pour Edvard Munch, la peinture fut un exutoire salvateur, au sens propre du mot, sinon une rédemption, qui le sauva, pourrait-on dire, et allégea sa souffrance afin de franchir le pont invisible entre la vie et la mort.

Je ne parlerai pas en détail des toiles exposées, il vous appartiendra de les découvrir, seul, sans influence quelle qu’elle soit.
Il faut s’imprégner d une oeuvre picturale comme on écoute une symphonie, tous nos sens aux aguets. L’émotion sera transmise, sera au rendez-vous.
Restez attentif, ne vous posez aucune question, car, vous n’irez jamais à l’encontre de la toile. “C’est toujours, et toujours l’oeuvre qui vient vers vous“. Patientez.
Toute description serait inutile, fuyez les explications de ceux qui prétendent pouvoir vous éclairer. Gardez vos sens en éveil, à l’écoute des battements de la toile.
Munch disait: ”Fermez vos yeux et laisser impressionner votre âme”. La messe est dite.

Edvard Munch a vécu jusqu’à 81ans. Il a laissé un nombre impressionnant d’oeuvres: un millier de tableaux et de 4500 dessins et aquarelles. Une oeuvre immense, léguée à la ville d’Oslo, qui a construit en son honneur le “Musée Munch” à Toyen.

Munch s’est éteint, libéré de ses fantômes, emportant avec lui le secret de son alchimie avec laquelle il a marqué ses toiles, comme on marque une chair au fer rouge et dont les cicatrices invisibles nous offrent une vision bouleversante à travers son oeuvre où sa vie vaut comme fatalité.

La visite de cette exposition est bouleversante pour une autre raison, qui autorise une hypothèse, car, on nous propose une oeuvre déjà reconnue, consacrée, appréciée, pérennée, vue aussi (pour la plupart des tableaux). Pourquoi cette constatation?
Et si cela avait été la première fois ? Essayez de remonter dans le temps, imaginez-vous, que vous êtes confronté pour la première fois à une telle oeuvre.
Que diriez-vous ? Vous ne le savez pas, bien sûr, ne pouvant pas faire abstraction de vos connaissances, de votre mémoire, de votre re-connaissance d’une oeuvre.
Une telle expérience, pourtant, aurait été intéressante à faire. Dommage! Qu’avez-vous vu ? Qu’avez-vous vu, ressenti?
Cependant, le Cri d’Edward Munch vous persécutera longtemps encore.

Petit rappel chronologique:
Edvard Munch, né le 12-12-1863 à Loten en Norvège. Après ses études il part pour Paris où il rencontre Toulouse-Lautrec, Van Gogh et Gauguin (1886).
Plusieurs séjours en Allemagne, à Berlin il travaille la gravure à l’eau-forte et la lithographie, gravure sur bois et excelle dans les arts graphiques. Réalise des affiches et illustrations pour des journaux et participe aux expositions. Il meurt le 23-1-1944 à Ekely.

Œil von Lynx Paris février 2010

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